Sasha A. Froth رغوة Comme une brise d'été.

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[color=red]❖[/color] Jake Gyllenhaal • Sasha A. Froth

Une fenêtre entrouverte laisse flotter une brise estivale dans la chambre en même temps que les derniers rayons du soleil percent ses vitres. La pièce est relativement grande, et surtout très claire. Des particules de poussière volettent comme le feraient des pensées. C'est un endroit où il semble bon d'être, de réfléchir, de rêver. D'ailleurs, en matière de rêve, cette pièce est plutôt bien placée. Une chambre, situé dans le château qui abrite l'université américaine d'UCLA. Allongé sur un des lits, les yeux fermés et les mains croisées sous sa nuque, un jeune homme laisse un léger sourire flotter sur ses lèvres. Il est y entré, malgré tout. Les mèches blondes de ses cheveux caressent son visage doux, que la lumière de l'astre du jour semble orner d'un halo doré. On penserait presque en le voyant ainsi que c'est un ange endormi. Il est vêtu d'une chemise blanche entrouverte sur son torse, et d'un pantalon en tissu beige. Il a retiré ses chaussures qui traînent dans un coin. La fenêtre grince un peu, et il ouvre les yeux immédiatement, et on les découvre bleus-gris, presque azur, comme le serait l'océan, aussi doux que le reste de son visage, mais beaucoup plus profonds. Il murmure quelque chose, puis éclate de rire. La scène a quelque chose de gênant, comme s'il y avait quelqu'un qui observait. Il ne semble pas s'en rendre compte, et saisit un dossier sur une petite table de chevet. C'est un formulaire d'inscription avec la mention «ADMIS» en gros et rouge en bas. En haut de la feuille, à côté de la photo du jeune homme, on trouve son nom : Sasha Alexandre Froth. Il sourit de nouveau, puis son regard se perd dans le vide : il se remémore des souvenirs.

***

Il n'y a pas grand monde dans ce centre psychiatrique. L'endroit est sombre, peu accueillant, et une pauvre secrétaire joue avec un stylo derrière le bureau de l'entrée. C'est le stéréotype parfait de l'asile, presque une caricature. Cependant, dans un coin de la salle d'attente se trouve un petit garçon qui ne doit pas avoir plus de huit ans. Il balance ses jambes sous le siège et garde la tête baissée, mais cela ne suffit pas pour cacher des traits infiniment doux, et une expression tellement singulière qu'on dirait qu'il a vécu toutes les misères de la vie malgré son jeune âge. Il se redresse et pendant un instant, son regard semble croiser le notre, foudroyant, gênant. Qu'est-ce qui peut bien être si gênant dans le regard d'un si bel enfant ?..
Plus loin, un homme qui ressemble vaguement au petit garçon, accompagné de deux médecins en blouse blanche. L'homme à le visage marqué par le temps, des rides sur le front et la peau très pâle des malades. Pourtant, il a les cheveux châtains et il se tient très droit, comme débordant d'énergie. Peut-être même un peu trop d'énergie pour une personne qui fréquente un centre psychiatrique. On distingue quelques mots dans la conversation. «Votre femme», «le petit», «malsain», «schizophrène». Au son de ce dernier, le petit garçon fronce les sourcils, l'air contrarié. Et il y a toujours cette chose gênante dans ses yeux... Mais qu'est-ce que ça peut être bon sang ?!

- Nous sommes désolés, Mr Froth...

Le premier médecin semble réciter une poésie, un texte appris par cœur. On peut en effet se douter que les gens envoyés en asiles le sont rarement par erreur. Cependant, bien que ces mots aient été prononcés sans la moindre émotion, les épaules de l'homme -sûrement le père du petit garçon- semblent s'affaisser sous un énorme poids. Un masque... Une jeune femme aux longs cheveux blonds, très belle, arrive en traînant un peu des pieds. Tous le monde dans cet hôpital semble porter le triple de son poids sur les épaules.

- Papa... J'ai parlé à l'infirmière de maman, elle m'a dit que c'était confirmé...
- Je sais.

Il a parlé très durement, il a presque craché ces quelques mots, comme s'ils étaient restés dans sa bouche pendant des années, avaient pourri, et qu'ils avaient maintenant un goût tellement infect qu'il ne pouvait plus les garder pour lui. Il baisse la tête et fixe le sol en serrant les poings. Sa fille lui prend le bras et le serre doucement, puis elle congédie les deux médecins. Celui qui n'a pas parlé reste quelques instants de plus avec un regard triste. Il semble les connaître un peu mieux que l'autre. La jeune femme regarde à présent le petit garçon, qui lui rend son regard avec insistance. On dirait qu'elle veut pleurer, et on devine qu'elle aussi a remarqué la gêne dans ses yeux.

- Sasha ?

Le petit garçon ne réagit pas tout de suite, puis ses yeux semblent s'éclaircir, et il se redresse.

- Viens mon ange, on s'en va...
- Et la dame ? Je vais pas la voir aujourd'hui ? Tu sais Anna, les médecins m'ont posé pleins de questions et tout, et puis à un moment j'en avais marre alors je sais plus trop ce que j'ai fais, c'est tout flou...
- T'inquiètes pas pour ça, viens...

Le petit garçon -Sasha- se lève et prend la main de sa sœur. Son père lui serre l'épaule, et ils se dirigent tous trois vers la sortie.

***

Un château majestueux se dresse au bout de la pelouse. L'école lui fait penser à certains de ces gigantesques châteaux russes qu'il a quitté à cause d'elle. C'était il y a tellement longtemps... Il n'avait que huit ans alors, et le voilà déjà dans sa dernière année d'étude dans une célèbre école américaine. Lorsque sa mère s'était suicidée -il ne se rendait alors pas compte qu'elle était sa mère-, son père n'avait pu supporter la douleur, et il avait emmené Sasha et sa sœur, Anna, vivre dans un petit village près de Los Angeles. Il ne leur a jamais dit ce qui s'était réellement passé. Avait-elle mis fin à ses jours en étant consciente, afin de ne plus souffrir, ou bien une de ses nombreuses personnalités, dans un ultime jeu, l'avait poussée à resserrer le nœud qui l'avait tuée ?
Sasha, à 17 ans, savait que son père connaissait la réponse. Il savait aussi que lui ne la connaîtrait jamais. Son paternel avait même pris soin de changer leur nom de famille afin de couper tout lien avec la Russie, leur pays d'origine. Aptes à s'adapter très rapidement, les nouvellement nommés Froth n'avaient eu aucun mal à apprendre l'anglais et à éviter de garder des traces de l'accent à couper au couteau des russes.

Aujourd'hui, les épreuves finales approchent, et l'été pointe le bout de son nez. Sasha adore l'été – et il n'est pas le seul. Il ne s'inquiète pas le moins du monde pour ses examens : élève très intelligent, il est en plus d'un calme, d'une gentillesse et d'une maturité qui semble éloigner les ennuis d'eux-même ; à moins que ce ne soit la force étonnante qu'on devine dans son regard, ou encore l'allure contrôlée du moindre de ses mouvements, qui effraient les semeurs de trouble.
Aussi loyal que digne de confiance, Sasha est un membre digne de l'équipe de basket, et il est persuadé qu'aucun autre sport n'aurait pu mieux lui convenir.
Il est allongé dans l'herbe avec sa meilleure amie. Il la regarde avec un petit sourire, et elle le fixe à son tour dans les yeux. Ils éclatent de rire, et Sasha ne peut s'empêcher d'être enchanté du son cristallin qui s'échappe de son amie. Une partie de lui est amoureuse d'elle, mais la majorité pense qu'une histoire d'amour d'adolescent ne pourrait que gâcher une si belle amitié.
Un groupe d'élèves passe à côté d'eux, et ils se saluent à grands cris. Sasha faisant partie de l'équipe de basket, ce qui lui vaut une certaine renommée.

- Bon, on fait quoi pour notre dernière soirée sans exams ?

Hmm bonne question ! Sasha se frotte le menton entre les doigts en regardant au loin. Son amie rit une nouvelle fois et lui frappe le bras. Il lui sourit et rit un peu à son tour.

- Que dirais-tu d'une petite virée en ville ? On embarque la clique et on boit juste assez de bièrres pour voir flou et rire pour rien, mais pour marcher droit !
- Quoi ? Moi, boire ? Pour qui me prends-tu Sasha Froth ?

Sasha écarquille les yeux quelques secondes, puis pousse son amie en se relevant. Il est beaucoup trop naïf parfois, tout le monde n'aime pas ça. Mais pour l'instant c'est lui qui décide, donc il s'en fiche. Il attrape sa sacoche et se dirige vers les casiers. Sa meilleure amie court pour le rattraper, et ils entrent tous les deux dans l'immense école.

***

Il a tellement travaillé pour arriver ici. Sasha se lève et se penche à la fenêtre. Dans la cour, des centaines de personnes se promènent, et un sourire gênant étire ses lèvres. Puis, d'un coup, son regard s'éclaircit et devient complètement bleu, effaçant les tâches grises qui l'assombrissaient auparavant. Il se passe la main sur le visage et souffle un grand coup. C'est son tour de profiter. Il reboutonne sa chemise et attrape sa sacoche au pied de son lit, enfile rapidement ses chaussures et se dirige vers la porte.
Personne n'a découvert jusqu'ici, pas même sa famille, même si les doutes ont été très forts lorsqu'il était petit. Il est en harmonie avec lui même malgré sa diversité ; il est plus intelligent que sa mère en soit, il sait se cacher, faire en sorte que les changements passent inaperçus. Et puis il est toujours gentil, il a plus de points communs avec lui même qu'avec beaucoup de personnes extérieures.

Ce mot qu'il ne comprenait pas, petit... Maintenant il le comprend mieux que tout le monde. Enfin juste un peu. La porte claque, et le sentiment de gêne qui flottait dans la pièce s'évapore immédiatement. Il était si subtil qu'on ne s'en rend même pas compte, en premier lieu.
C'est vraiment un bel endroit.