Eh c'est repartit pour un tour ! [pv Abel]

Elle tomba. D'une chute inévitable elle tomba. L'air s'enroulait autour d'elle, écharpe transparente qui ne faisait que rendre inéluctable son fracas. Des comparses la suivaient telle une boite d'œuf qu'on aurait balancé d'une fenêtre ouverte sur ce jour. Cette bille de pluie finit par s'écraser sur une autre surface transparente: celle du parapluie d'Abel. Le colosse avait jugé nécessaire d'investir dans un parapluie transparent afin de pouvoir observer à son aise ce phénomène météorologique peu apprécié de la population. En effet, il se jouait un peu de dame nature, car il n'était pas mouillé mais s'il le voulait pouvait voir les gouttes s'abattre inutilement sur la protection transparente. Et puis le noir c'était tellement mauvais pour la santé. Cette couleur, dominante l'hiver avait le don de rendre les gens un peu plus soucieux, un peu plus anxieux. Un peu moins aimable aussi. Lui-même, honnête, devait avouer qu'il préférait les beaux jours ensoleillés où il pouvait sortir sans avoir à se couvrir et sans avoir à tenir toute la journée cette barrière recourbée. Cependant, il prenait le parti de se dire qu'au final un jour de pluie présentait l'avantage de pouvoir boire du chocolat chaud à s'en faire exploser la vessie. Et puis, tant qu'on était au chaud et qu'on avait le soleil en tête tout allait bien. Cet éternel optimiste avait des idées saugrenues et une philosophie de vie assez particulière mais ceci est une autre histoire. Ici le froid accompagnait la pluie et rendait encore moins agréable ce jour-là. Il avait revêtu une chemise blanche, une veste beige à capuche molletonnée de laine à l'intérieur, et d'un jean noir un peu serré. Des bottes de pluie beige également finissaient d'assortir le tout.

Ce jeune homme qui venait du sud de la France regrettait quelque peu le doux climat de son pays. Certes, les températures valaient celles actuelles, mais ans sa ville mère nature était encore un peu clémente et permettait pour cette période de beaux jours au froid relatif. Un souvenir lui revint en mémoire tandis qu'il tournait à un angle. Il se voyait bien dans le jardin derrière la maison, peuplé de verdure. Là un saule pleureur, ici un olivier centenaire, là encore quelques rhododendrons qui agrémentaient un parterre d'eau. Au milieu de tout ça, un petit banc de fer forgé et de bois, sur lequel étaient assis une vieille dame au sari coloré et à ses côtés un garçon qui l'écoutait parler blottit dans une couverture blanche. Les soirs étaient frais en France. Sa grand-mère aimait s'asseoir-là et lui aussi. Il se sentait là parmi la nature, a écouter sa mamie lui raconter les légendes indiennes. Elle avait le don de captiver son auditoire et lui féru de savoir, féru de mythes, buvait ses paroles comme un élixir qui prolongeait ses connaissances. L'air était frais mais il n'avait plus froid. Son amour distillait en lui une belle chaleur.

Revenant à lui, il préféra ne pas se leurrer, l'hiver allait bientôt pointer son nez et il ne pourrait rien y faire. Il n'avait plus qu'à se préparer. De toute façon c'était simple. Des les premiers froids, il sortait la panoplie d'hiver. Il avait déjà racheté pulls, blousons, vestes et manteaux. Ce qu'il possédait déjà était prêt à l'emploi. Non, il ne se laisserait pas avoir. C'était un coup à choper la crève.

Il cala son parapluie contre son épaule et continua d'avancer. S'il était dans la rue et non chez lui tranquillement assis dans son canapé son chaton contre lui, il y avait bien une raison. Il se rendait à son cours de théâtre, et il devait y rejoindre une amie à lui: Esmée. Cette jeune et frivole jeune fille avait le don de le faire rire et c'était comme ça qu'ils étaient devenus amis. Leur devise pouvait être « cap, pas cap? » car ils n'arrêtaient de se chercher des poux, de se titiller et de se taquiner. De se lancer des défis aussi et c'était à qui ira le plus loin dans l'humour. Eh bien il avait décidé de lui jouer un autre tour en la suivant depuis chez elle. Un exercice tout nouveau mais qu'il était sûr de réussir. La pluie n'arrangeait pas le terrain, il y avait peu de peu monde et il ne passait pas inaperçu mais voulait tentait le coup. Il voulait juste lui faire une belle frousse ou au moins la surprendre. Abel, arriva bientôt près de chez elle et attendit qu'elle sorte, caché au coin de la rue. Il la vit et la laissa s'éloigner un peu. La filature pouvait commencer. Un sourire bête s'était fait un bastion sur son visage et il essaya de tempéré son humeur. Marchant d'un pas nonchalant, à l'abri dans son fort de chaleur il avait un pas souple, presque négligé. Il évita de justesse de se faire tremper par une voiture qui passa trop près du trottoir et fit s'envoler une flaque d'eau. Et Abel manqua de se faire remarquer une première fois par la belle blonde. Il se cacha de justesse dans une rue adjacente et patienta un moment qu'elle reprenne son chemin.

Quelques mètres et bizarrement la population de L.A ne semblait pas se trouver ici. Une feuille craqua sous son pied et il vit le mouvement d'Esmée pour se retourner et plongea littéralement dans une nouvelle rue perpendiculaire. Il regarda malheureusement derrière lui quand il aurait juste dû observer devant lui. Des poubelles d'un gris rouillé peuplaient eux cette ruelle et il tomba net dessus. Au premier sens du terme. Une belle chute. Il s'emmêla les pieds à vouloir éviter, à vouloir freiner et renversa les poubelles et son corps. Son parapluie voltigea un peu plus en avant. Un rire cristallin se fit entendre non loin tandis qu'Abel essayait de se redresser. Il poussa un contenant, puis un deuxième, s'aida d'un troisième et se remit debout. Il épousseta ses vêtements qui par il ne savait quel miracle avaient réussi à ne pas être recouverts de boue.

Relevant la tête il vit une Esmée plus que jamais moqueuse. Il fit la moue puis éclata de rire. Un partage qu'eux seuls avaient le don de comprendre. Il ne s'arrêta que lorsqu ses côtes commencèrent à lui faire mal. Il alla récupérer son parapluie qui n'avait pas eu la même chance que ses habits. Un eu de boue avait giclé dessus. Il fouilla ses poches, un mouchoir providentiel s'y trouvait. En finissant de nettoyer tout ça il s'était avancé jusqu'à elle. Abel lui fit la bise à la française.

« Garce! Tu aurais pu au moins m'aider! » lança t-il en lui tirant la langue.

« Comment vas-tu ma belle? »

Abel arqua le bras et enjoignit Esmée à le prendre. Puis ils sortirent de cette petite rue qui plus tard vaudrait sûrement une petit dossier compromettant pour le jeune homme. Bah, il assumerait tout ça, comme il le faisait toujours. Quasiment rien ne pouvait atteindre le moral d'acier que c'était forgé Abel. Bon, il avait eu légèrement honte de se retrouver parmi les poubelles, mais c'était Esmée après tout. Son amie qui en rirait c'était tout.

« Je suis content de te revoir! Cela faisait longtemps! Hum d'ailleurs c'est mon premier cours de théâtre depuis que je suis revenu. Vous avez beaucoup avancé sur la pièce qu'on va jouer? Demanda t-il en plongeant ses yeux gris dans les siens.