Petite sortie herbdomadaire • Wolfgang et Néva

Cela faisait à peine deux semaines que Néva était arrivée ici, à Los Angeles. Sa ville natale, la ville qu'elle avait quitté alors qu'elle n'était âgée que de quatre ans. Elle n'y était revenue que quelques fois. Elle n'avait jamais eu le temps de s'y faire des amis. A vrai dire, elle n'avait que de lointains souvenirs de cette ville, et n'y possédait aucune attache. Pour elle, c'était un peu comme arriver dans un nouvel endroit, comme au temps où elle voyageait constamment avec son père journaliste, et son grand frère. Il restait donc tout à faire : commencer par prendre ses marques, connaître la ville, et surtout commencer à connaître du monde. Néva avait décidé qu'il était temps pour elle de penser à se poser un peu. Voyager constamment et ne pas rester dans un pays plus de deux mois de suite ne facilitait pas les relations. Elle restait bien évidemment en contact avec des personnes qu'elle avait pu rencontrer lors de ses voyages, mais cela ne pouvait remplacer de vraies attaches, stables et durables.

Il était vingt heures. Le frère ne Néva venait tout juste de sortir. Il avait prévu de passer la soirée à l'extérieur, avec des amis qu'il venait tout juste de retrouver, après tant d'années d’absence. Néva alluma la télé. Rien d'intéressant. Elle resta quelques minutes perdue dans ses pensées, puis se leva d'un bond et se dirigea vers la salle de bain. Il était hors de question qu'elle reste cloîtrée chez elle un vendredi soir. Elle avait besoin de sortir, de voir du monde, et pourquoi pas, de déjà nouer quelques contacts. Si elle voulait ne pas faillir à son objectif, il fallait qu'elle s'y mette dès maintenant.

Une heure plus tard, Néva attrapa son sac à main et sortit. Elle était vêtue d'une petite robe noire et de chaussures à talons de la même couleur. Plutôt sobre pour une première. Elle avait entendu parler la veille, d'une boite de nuit qui venait tout juste d'ouvrir. La soirée d'inauguration se déroulait justement aujourd'hui. Néva attrapa un taxi, s'y engouffra, puis donna l'adresse au conducteur.

Une fois arrivée devant l’endroit en question, Néva ne mit pas longtemps à parvenir à y entrer. Un joli sourire, un (faux) numéro donné suffisait amplement à corrompre un videur. L'intérieur était somptueux. Très grand, une jolie décoration très bien agencée, une ambiance qui se voulait plutôt classe mais qui invitait à l’amusement. Ça tombait bien, Néva avait réellement besoin de s'amuser un peu. Ces derniers temps, elle était passée de nombreuse fois de l'euphorie totale au doute complet. Avait-elle eu raison de venir s'installer ici ? Son père, ainsi que la découverte de nombreux horizons lui manquaient déjà. Elle ignorait si elle parviendrait un jour à trouver sa place ici. La jolie blonde chassa cette pensée de son esprit, et se dirigea vers le bar. La plupart des sièges étaient déjà occupés, mais elle parvient à se trouver une petite place sur le côté gauche du comptoir. Très vite, le serveur vint à sa rencontrer et avec un magnifique sourire, lui demanda ce que la « petite blonde » souhaitait boire.

« La petite blonde prendrait bien une vodka » fit-elle, en souriant à son tour.

Pour Néva, commencer par une vodka était souvent synonyme d'une belle gueule de bois le lendemain, puisque c’était souvent totalement saoule qu'elle rentrait chez elle, ou chez sa conquête du soir. Ce n'était pas vraiment un problème, cela lui permettrait au moins d'oublier un peu toutes ses préoccupation le temps d'une soirée. Le serveur vint alors lui apporter ce qu'elle avait commandé. Elle le remercia d'un nouveau sourire, puis porta le verre à ses lèvres enfin d'en boire une première gorgée. Néva se retourna ensuite afin d'observer les personnes présentes ce soir. Peut-être allait-elle avoir la chance de tomber sur une tête connue, même si elle en doutait fortement. En tout cas, il n'y avait pas à dire : la soirée d'inauguration était un succès, vu le nombre de personnes présentes actuellement ...

Néva avait toujours été une très grande fétarde, au grand désespoir de son père. En effet, chaque fois que ce dernier se levait le matin et s'apercevait que sa petite dernière n'avait pas passé la nuit à la maison, une grande angoisse le submergeait. Il savait que la jolie blonde était parfaitement indépendante, et qu'elle parvenait à se débrouiller seule depuis l'âge de 8 ans. Il est vrai qu'entre un père occupé toute la journée à sillonner la ville afin de dégoter un bon reportage et une mère absente depuis bien trop longtemps, les deux enfants Calloway avaient très vite été livrés à eux-même. Bien évidemment, ils n'étaient jamais laissés seuls, une personne de confiance était toujours là pour les surveiller. Mais cette absence les avait très vite habitué à ne compter que sur eux même en cas de problèmes. Un mal pour un bien en réalité.

Le seul moment où les nerfs du père Calloway avaient été quelques peu laissés au repos, était lorsque tous les trois s'étaient installés à Berlin, en Allemagne. Après quelques semaines passées dans cette ville, Néva s'était liée d'amitié avec un jeune garçon du nom de Wolfgang. Ce dernier inspirait la confiance : il était attentionné, prenait toujours la peine de ramener Néva saine et sauve à la maison lorsque celle-ci ne parvenait même plus à aligner deux pas, au grand soulagement de Josh, le père de la jolie blonde. Josh avait toujours suspecté que ce qui liait les deux jeunes gens étaient plus que de l'amitié. Il arrivait en effet très souvent à Wolfgang de rester la nuit à la maison. Lui et sa fille passaient énormément de temps ensembles. Chaque fois qu'il avait tenté de questionner cette dernière, elle l'avait remballé d'un simple « Papa, occupe-toi de tes affaires. Et puis Wolfgang n'est qu'un ami. Comment veux-tu que je construise quelque chose de solide si tu me demandes de faire ma valise tous les deux mois ?». Aie, le coup qui blesse. Cela dit, jamais il n'avait obligé ses deux enfants à le suivre. Jayden, le frère aîné de 3 ans de Néva commençait peu à peu à prendre son indépendance et suivait de moins en moins son père en déplacement. Pour Néva, c'était différent. Son père était la seule personne de confiance qui lui restait, mis à part son frère. Elle ne pouvait se résoudre à vivre sans lui.

Du jour au lendemain, le jeune Wolfgang avait disparu du paysage. Quand il avait demandé à sa fille ce qu'il se passait, elle avait simplement répondu : « Tu m'as toujours appris à ne pas faire confiance trop rapidement aux gens, je t'ai toujours pris pour un parano demeuré. J'ai compris aujourd'hui de quoi tu voulais me préserver. ». Il n'avait obtenu aucune autre explication.

Retour dans la boite de nuit dans laquelle se trouvait Néva. Cette dernière observait les gens qui l'entouraient. Son regard fut attiré par un groupe de cinq jeunes hommes, qui venaient tout juste d'entrer, non sans un lot d'exclamations enjouées. La jolie blonde détestait ce genre de types. Venus en bande, se sentant invincibles, puissants, leur flair leur permettant de trouver n'importe quelle midinette qu'ils pourraient ramener chez eux sans trop dépenser en boissons. Non pas qu'elle était le genre de fille à ne pas embrasser au premier rendez-vous. Loin de là. Mais Néva avait besoin de challenge, de défi, de jeu. Elle avait besoin de se sentir désirée, elle ne se laissait jamais facilement séduire. Il fallait que son partenaire lui montre qu'il était à la hauteur de ce qu'elle espérait de lui. La drague ringarde et déjà vue, ce n'était définitivement pas pour elle. Peut-être était-elle aussi exigeante avec les autres parce qu'elle l'était beaucoup trop avec elle-même ?

Elle reporta son attention sur son verre dont elle bu une nouvelle gorgée. Le nectar lui brûla légèrement la gorge, et une chaleur apaisante se diffusa dans tout son corps. Elle ignorait pourquoi, mais ses pensées avaient, pendant quelques instants, été tournées vers Wolfgang. Il lui arrivait quelquefois de repenser au jeune homme. Mais elle se bornait à chaque fois à chasser cette pensée de son esprit. Ce souvenir était encore assez douloureux pour elle. Elle n'avait plus jamais eu de nouvelles de lui, et n'avait d'ailleurs jamais cherché à en avoir, mais elle ressentait toujours une immense colère en repensant à lui, et à cette histoire la veille de son départ. Elle l'avait aimé, lui avait fait confiance, mais avait la désagréable sensation de n'avoir été qu'un jouet pour lui, pendant ces nombreuses semaines. Elle avait déjà énormément de mal à accorder sa confiance aux gens avant. Ce malheureux épisode avait marqué une rupture totale. Toutes les relations qui avaient suivies étaient d'avance vouées à l'échec. Néva était incapable d'accorder sa confiance à qui que ce soit.

Une voix masculine la fit sortir de ses pensées. Un jeune homme, appartenant à la bande qu'elle avait vu rentrer une dizaine de minutes auparavant, se tenait devant elle.

« Je ne crois pas que ce soit ... » fit-elle avant de s’interrompre.

Son cœur se mit à battre de plus en plus fort. Elle en eut quasi le souffle coupé. Un autre jeune homme venait d’apparaître à côté d'elle. Lorsque ce dernier prononça son prénom, elle ne pu que se rendre à l'évidence. C'était Wolfgang. L'homme qu'elle avait tenté d'oublié ces deux dernières années. L'homme qui l'avait tant fait souffrir même si elle se refusait à l'admettre. Elle ne pouvait s'empêcher d'être heureuse de le revoir, mais en même temps, sa haine remontait, attisée davantage par la remarque que Wolf venait de faire.

« Oh, remarque admirable de la part d'un gars qui ne fait que jouer avec les sentiments, vous faisant vous sentir importante un jour pour mieux vous enfoncer le lendemain. Je pense que tu es très mal placé pour parler de moralité Wolfgang ».

Répondit-elle d'un ton extrêmement sec, tout en le fusillant du regard. Elle n'en revenait pas. Venait-il vraiment de remettre la faute sur elle ? Après tout, ce n'était pas elle qui avait joué un rôle tout le temps de leur relation. Elle n'aurait jamais cru pouvoir dire ça un jour, mais en réalité, elle ne remercierait jamais assez le frère de Wolf de lui avoir ouvert les yeux. Même si elle l'avait détesté, haï pendant des semaine et des semaines, c'était le seul qui avait osé lui dire qu'elle n'était rien d'autre qu'un simple amusement. Qu'elle s'était trompée sur toute la ligne. Il lui avait permit de ne pas souffrir encore davantage finalement.